
Le droit au silence : une évolution et des limites
Publié le :
18/07/2025
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2025
Dans le système pénal français, la présomption d’innocence n’est pas seulement un principe abstrait : elle suppose que le mis en cause ne doit pas prouver son innocence. C’est dans cette logique que s’inscrit le droit au silence, souvent mal compris, mais pourtant essentiel. Se taire ne revient pas à fuir la vérité, ni faire obstruction, mais à revendiquer un droit légitime : celui de ne pas contribuer à sa propre accusation.
Le droit au silence : une garantie fondamentale en matière pénale
Le droit au silence permet à toute personne mise en cause de s’abstenir de répondre aux questions qui lui sont posées par les enquêteurs et les juges. Puisant son fondement dans l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ce principe est pleinement consacré par l’article 63-1 du Code de procédure pénale.
Loin d’être une faveur accordée à la défense, il s’impose comme un rempart nécessaire dans un procès pénal déséquilibré par nature, dans lequel l’État dispose de moyens d’enquête puissants.
En gardant le silence, le mis en cause contraint les enquêteurs à reprendre les faits sans sa collaboration, ce qui limite l’usage de méthodes intrusives ou abusives. En outre, ce droit protège le prévenu contre l’instrumentalisation à charge de sa parole.
Cette analyse est reprise par la jurisprudence, notamment dans un récent arrêt du 7 janvier 2025 (n°23-85.615). La Chambre criminelle avait alors rappelé qu’au stade de l’avis préalable de mise en examen, le fait de ne pas avertir le mis en cause du droit de se taire entraîne la nullité de la procédure, dès lors que la personne concernée répond aux questions du juge ou produit des informations écrites.
Une réalité sous tension : les limites du droit au silence
Néanmoins, si le droit au silence est prévu pour protéger le mis en cause, sa mise en œuvre se heurte à des difficultés. En effet, ce droit est souvent perçu, par les enquêteurs, comme un indice de culpabilité, sinon une volonté de dissimuler la vérité. Le soupçon reste présent, car se taire prouverait qu’on a quelque chose à cacher. La vieille mentalité inquisitoire n’a donc pas totalement disparu, le silence du mis en cause étant trop souvent considéré comme un obstacle à la manifestation de la vérité.
Cette tendance voit ses effets en partie limités par la jurisprudence européenne, qui rappelle qu’une condamnation ne peut reposer exclusivement ou essentiellement sur le silence de l’accusé (Cour européenne des droits de l’homme, affaire Murray contre Royaume-Uni, n°14310/88).
Dans la pratique, de nombreux justiciables renoncent spontanément à ce droit, soit par crainte de paraître coupables, soit par souci de « coopérer » avec les autorités dans l’espoir d’un traitement plus favorable. Cette renonciation est le signe que ce droit n’est pas encore pleinement entré dans nos mœurs, comme il l’est depuis longtemps par exemple aux États-Unis.
L’avocat qui assiste le mis en cause, de la garde à vue à l’audience de jugement, doit conseiller son client sur l’usage de ce droit lorsque son intérêt le commande, et lui donner ainsi le courage de se taire. Il imposera ensuite son respect à l’enquêteur comme au juge.
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